Voyage Franco de port

Voyage Franco de port

Dans l’éditorial « Voyage Franco de port », le Président de MER47 revient sur l’exhumation, du Valle de los caidos, du dictateur Franco. L’article, publié dans le bulletin de liaison de l ’association, analyse le sentiment que cet événement, tant attendu, a provoqué chez les descendants et amis des exilés républicains espagnols en Lot-et-Garonne.

¡ Ya era tiempo !

¡ Ya era tiempo ! Ainsi s’intitulait la précédente édition de notre bulletin, évoquant le discours de Pedro Sanchez à Argelès-sur-Mer en février 2019. Le même titre aurait également convenu à ce nouveau numéro, au sujet désormais du transfert de la charogne du dictateur. Que ce fut long d’obtenir une mesure de simple décence ! Néanmoins ne boudons pas notre plaisir. Songeons à tous ceux qui l’ont tant espéré, sans avoir la chance de connaître ce moment. Savourons cette exhumation, et constatons que si elle aura apporté, un peu de baume au cœur des victimes et de leurs descendants, elle n’aura pas mis l’Espagne à feu et à sang. Le despote a été expulsé de son trou sans que l’Espagne ne subisse les calamités redoutées par certains. Alors, pourquoi ne pas aller plus loin ? La morale, la justice appellent encore de nombreux efforts. Cette victoire, modeste mais ô combien symbolique, doit nous encourager à poursuivre notre combat. L’Espagne a offert au despote un voyage franco de port. L’opération demeure indolore pour ses héritiers qui continuent de jouir de la prodigieuse fortune que leur aïeul a accumulée sur le sang de ses victimes. En Espagne le crime continue de payer.

La spoliation des biens des républicains par les franquistes

Au cours de ces dernières années, le franquisme aura beaucoup contribué au développement de l’archéologie espagnole. Il y contribuera sans doute encore longtemps. Néanmoins des voix s’élèvent au sud des Pyrénées pour ne pas délaisser d’autres champs d’actions. Ce fut notamment le message que nous délivra Joseba Eceolaza Latorre, lors du colloque de Caminar d’octobre 2019 à Toulouse. D’autres objectifs peuvent être atteints. La presse espagnole se fait l’écho des conditions troubles dans lesquelles Franco a acquis certaines de ses propriétés ; des procédures sont envisagées pour tenter de les réintégrer dans le patrimoine public. Or il ne fut pas le seul dignitaire du régime à profiter de celui-ci. Parallèlement de plus en plus de voix s’élèvent contre l’offense que constitue la fondation Franco. La création en Espagne d’un délit d’exaltation du franquisme est réclamée. L’impunité des hommes de main, encore vivants, de ce régime, choque. Le maintien, dans l’ordonnancement judiciaire, des condamnations prononcées sous la dictature demeure une anomalie. Les chantiers sont nombreux.

Notre action en France participe à la récupération de la Mémoire par les Espagnols

Depuis 1936, la France est une base arrière des luttes des Républicains espagnols. Depuis la France, Espagnols exilés ou camarades français, ont alimenté le combat pour nos valeurs et contre le franquisme. Aujourd’hui encore, nous pouvons être utiles aux débats qui agitent la péninsule ibérique. Nous le serons d’autant plus que nous utiliserons la singularité de notre position. Nous contribuons à aiguillonner la curiosité des Espagnols pour leur histoire, par le simple intérêt que nous portons à celle-ci. Nous participons à diffuser la connaissance de l’action de Républicains dans la Résistance et la libération de l’Europe. De plus en plus de médias espagnols s’en font les relais. Notre double regard permet de comparer les traitements différenciés de la Mémoire en France et en Espagne. De part et d’autre de la frontière, des partis politiques dont les fondements idéologiques sont proches, ont ainsi des discours très éloignés sur les évènements des années 30 et 40 dans leurs pays respectifs. Je pense aux partis des droites de gouvernement française et espagnole. Quand l’un prône le souvenir, l’autre souhaite l’amnésie collective. En France, la Mémoire de la Résistance est intégrée dans le socle des valeurs communes de la nation. Rien de tel en Espagne. Les déclarations du leader de Vox sur son grand-père ayant combattu dans les rangs franquistes, provoqueraient sans doute l’indignation si elles étaient tenues en France par le petit-fils d’un milicien. Enfin l’expérience nous apprend que l’extrême-droite peut masquer ses aspects les plus répugnants, à des fins électoralistes ; c’est sans doute là qu’il faut être le plus vigilant. Selon le dicton « te conozco bacalao, aunque vengas disfrazado ».

David Llamas

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