L’avion tiré de l’oubli grâce à une adhérente de MER 47
Une lettre d’une adhérente, adressée au bureau de l’association a permis d’exhumer de l’oubli l’atterrissage de cet avion, un évènement singulier de l’histoire de la République d’Espagne en Lot-et-Garonne.
Atterrissage de l’avion dans un champ
Nous sommes le dimanche 7 février 1937 en début d’après-midi. Un biplan fend le ciel lot-et-garonnais. C’est un avion de la République espagnole. L’appareil en perdition n’atteindra pas un aérodrome. Son pilote fouille du regard le sol pour y trouver un terrain plat et découvert où poser son engin. Ce sera le site de Bouilhaguet, à proximité de l’hippodrome de Miramont-de-Guyenne.
Les échos dans la presse nationale
La presse française a relaté l’évènement. Dans son édition du 10 février 1937 Le Matin de Paris annonce que « l’enquête sur les circonstances dans lesquelles un avion gouvernemental espagnol a atterri dimanche dernier 7 février, vers 14 h. 30, à un kilomètre de Miramont-de-Guyenne, est terminée. Le capitaine Juan Macho Juarez, pilote, et le sergent José Schmid, qui l’accompagnait, ont été dirigés vers le consulat d’Espagne de Bordeaux. Ils seront rapatriés par les soins du consul d’Espagne ». « L’écho dAlger » précise du biplan qu’il s’agissait d’un Bréguet 19 de construction espagnole. L’avion a subi une panne de moteur. Après l’atterrissage, il était complètement détruit, mais ses deux occupants n’étaient que superficiellement blessés. Le journal d’extrême droite « L’Action française » a également relayé l’information dans son édition du 11 février 1937, utilisant le qualificatif de « rouge » pour désigner l’aéroplane. Le rédacteur ajoute que « l’appareil, complètement hors d’usage, sera enlevé de l’endroit où il se trouve par les soins du service d’aviation du centre de Tours » (Source : Gallica.fr).
Incertitudes sur la mission des aviateurs
Mais pour quel motif un avion du gouvernement espagnol survolait donc le Sud-Ouest ? « L’écho d’Alger » mentionne que les deux espagnols, interrogés par le capitaine de la brigade de gendarmerie de Marmande, ont déclaré venir de Tarragone ; ils comptaient se rendre à Bilbao en survolant Bayonne mais « auraient commis une erreur de parcours ». Considérable erreur d’orientation ! Si cette version était sincère, elle serait peu flatteuse pour l’équipage. Une précision publiée par le journal « Le Temps » semble, en creux, orienter les doutes que nourrissait une telle escapade d’un avion espagnol au-dessus du territoire français, quant aux buts réels de l’équipage. Le journaliste prend en effet le soin de préciser qu’il a été établi « qu’aucune voiture n’attendait à proximité du lieu d’atterrissage, les occupants de l’avion gouvernemental espagnol ». Les doutes étaient d’autant plus justifiés que cet évènement ne fut pas isolé. Le 10 février 1937, en raison des mauvaises conditions météorologiques, un avion civil espagnol avec à son bord cinq personnes et plus d’une tonne dor, a atterri à Perpignan. Dans la même période un troisième aéronef espagnol s’est posé, en Dordogne cette fois. Or la République espagnole, qui avait un urgent besoin de matériels et d’équipements militaires pour face au soulèvement des rebelles, se heurtait à un embargo officiel des ventes d’armes. Faut-il y voir un possible lien avec ces vols ?
La relique de l’avion
Quoi qu’il en soit, pour la population de Miramont-de-Guyenne il n’était pas courant de voir un avion, étranger de surcroît, se poser sur sa commune. Avant que les débris de l’avion ne soient évacués, les villageois se sont pressés sur les lieux de l’atterrissage. Parmi eux une petite fille de onze ans a découpé sur quelques centimètres de côté, un morceau d’une aile de l’appareil. Elle relatera l’histoire à une amie, Carmen Gil qui, adhérente de l’association MER 47, nous a remis ce morceau de fuselage. Ce bout d’aile n’est guère plus épais que du papier à cigarette, ni beaucoup plus solide que du carton. Sa face externe est recouverte d’un alliage fin, de couleur argentée et maculé de minuscules aspérités inégalement réparties. La face intérieure est recouverte d’un tissu beige de fil très fin, solidement tressé. A l’encre violette, sont tracés d’une écriture cursive ces quelques mots : « Souvenir d’un avion espagnol le 8 février 1937 ». Ce petit quadrilatère à l’aspect improbable était, pour la jeune fille, le souvenir intime d’un fait divers ; il devient pour nous un flambeau de la mémoire.