Une conjuration républicaine
Dans un précédent article, nous avons vu que les forces politiques signataires du Pacte de San Sebastián, tiraillées par des intérêts divergents ne peuvent produire qu’un manifeste dont la portée reste symbolique. Comme l’objectif principal est la suppression de la monarchie, cette opposition doit se doter d’un moyen pour y parvenir. D’où la création d’un Comité Révolutionnaire.
L’échec de la conjuration
L’idée de fomenter un soulèvement général est retenu par le Comité Révolutionnaire mais les moyens pour y parvenir ne sont pas là. La date du 15 décembre 1930 est retenue pour lancer le soulèvement. L’impréparation évidente, les dissensions idéologiques et surtout une communication défaillante isolent les différents acteurs du complot. C’est ainsi que le 12 décembre 1930, à Jaca (province de Huesca), le capitaine Fermín Galán, impatient de ne pas recevoir l’ordre de soulèvement, entraîne la garnison locale dans une aventure sans issue. Car le soutien populaire n’est pas présent, la grève générale tant attendue n’est pas déclenchée et les militaires républicains restent l’arme au pied. Seuls l’aviateur Ramón Franco et l’officier de cavalerie Queipo de Llano se mobilisent avant de devoir fuir au Portugal[1].
le 13 décembre, le Comité révolutionnaire se déclare commanditaire du soulèvement et le 14, Fermín Galán et son collègue Angel Garcia sont fusillés pour rébellion.
La répression contreproductive
La monarchie décide d’accuser les signataires du pacte de crime de rébellion militaire. Elle invoque le lien entre le contenu du manifeste signé par eux et les événements survenus. Fernando de los Ríos, Niceto Alcalá Zamora, Miguel Maura, Francisco Largo Caballero, Álvaro de Albornoz et Santiago Casares Quiroga sont devant les juges. Manuel Azaña, Alejandro Lerroux, Martínez Barrio, Marcelino Domingo et Luis Nicolau d’Olvert, ayant réussi à fuir avant leur arrestation, sont jugés par contumace.
La justice militaire les accuse d’avoir planifié un complot communiste. Elle réclame quinze ans de prison pour Alcalá Zamora en tant que chef de la conspiration et six ans pour le reste des accusés.
L’argument de la défense est simple : « Ils n’ont pas commis de crimes car il n’y a pas de Constitution en Espagne (…) conspirer contre le Roi et la Constitution ne sont pas deux choses différentes mais la même, car le Roi fait partie intégrante de la Constitution et personne ne peut conspirer contre la Constitution pour la simple raison que la Constitution n’existe plus depuis le 13 septembre 1923 ».
Les plaidoiries des avocats et les interventions des accusés, souvent interrompues par les applaudissements et les acclamations du public, ont joué en faveur de la cause de la République. Finalement le tribunal militaire reconnait que les accusés ne sont pas des communistes et que le manifeste du Comité Révolutionnaire est sans lien avec la rébellion de Jaca. Seule l’incitation à la rébellion militaire est retenue et les accusés sont condamnés à six mois de prison ferme.
A la suite du procès, les prises de parole du comte de Romanones[2] et du président du conseil des ministres, le général Berenguer[3], traduisent l’aveuglement des monarchistes devant les aspirations au changement du peuple espagnol.
Conclusion
A la lumière des effets produits par le soulèvement raté de Jaca et le procès des signataires du Pacte de San Sebastián, nous pouvons affirmer que ce pacte s’inscrit dans l’histoire espagnole comme un jalon important dans la reconnaissance des différences culturelles régionales et du désir de la société de changer ses structures sociopolitiques afin qu’advienne le progrès, les libertés et la justice sociale. C’est cet immense défi qui attend la future IIe République.
[1] – Prise de l’aérodrome militaire de Cuatro Vientos près de Madrid.
[2] – « Cela m’a semblé très bien, comme me semblent toutes les condamnations prononcées par les tribunaux espagnols »
[3] -« Ayez confiance en l’Armée, qui regrette les actions passées de toutes ces juntes militaires »