Le soulèvement oublié
Il y a 90 ans, le 14 décembre 1930, Fermin Galán [1] et Angel Garcia sont fusillés parce qu’ils ont fomenté un soulèvement militaire à Jaca, dans la province aragonaise de Huesca. Motivés par des idéaux républicains, ils vont payer de leur vie une trop grande précipitation.
Fermin Galan Rodriguez
Né en 1899 à Huesca, il rentre à l’âge de 16 ans à l’Académie Militaire d’Infanterie. Il sert au Maroc dans la police indigène et dans la Légion. Il participe en 1926 à la conspiration de la Nuit de San Juan[2] contre la dictature de Primo de Rivera. Dégradé, il purge les trois premières années de sa peine à Montjuich – Barcelone. En 1930, il est amnistié et récupère son grade de capitaine.
Galán expose ses idéaux politiques et sociaux[3] dans un ouvrage théorique intitulé Nueva Creación. Dans cet ouvrage, il développe son projet de révolution sociale[4].
Angel García Hernandez
Né en 1900 à Vitoria dans la province basque d’Alava, il rentre à l’âge de 18 ans à l’Académie Militaire d’Infanterie. La plus grande partie de sa jeune carrière se déroule dans le Protectorat espagnol du Maroc. En juillet 1928, il est promu capitaine par ancienneté. Il est affecté au 19e régiment d’infanterie de Galice, avec un poste à Jaca (Huesca).
Tentative de coup d’état républicain[5]
Contexte social et militaire
Le général dictateur Primo de Rivera présente sa démission au roi Alphonse XIII le 29 janvier 1930, par suite de difficultés de tous ordres rencontrées par son gouvernement.
Le monarque le remplace par le général Berenguer. Une forte agitation sociale secoue l’Espagne. Les militaires ne sont pas en reste pour comploter contre le régime. Berenguer semble vouloir leur donner des gages en amnistiant ceux d’entre eux qui ont été condamnés pour sédition. Mais il ne tient pas ses promesses et se radicalise à l’encontre des civils comme des militaires républicains.
Un Comité révolutionnaire national, destiné à appuyer les militaires séditieux au moment où ceux-ci lanceront le soulèvement est créé le 17 août 1930. Cette décision a été prise lors de la réunion de Saint-Sébastien entre les représentants de divers groupes constitutionnalistes et républicains. Ils s’accordent sur l’idée de l’instauration d’une république parlementaire. C’est ce qui est appelé l’accord de Saint-Sébastien.
Soulèvement ajourné
Prévu pour le mois de décembre 1930, le Comité révolutionnaire décide de la date du 15 décembre. Les opérations à Jaca sont confiées à Fermín Galán, capitaine du 19e régiment d’infanterie. Il a le soutien de nombreux militaires comme les capitaines García Hernández, Salvador Sediles, Miguel Gallo, Luis Salinas, ainsi que d’autres officiers et des civils.
Au cours de l’automne, Galán organise le soulèvement. Une indiscrétion met au courant le général Mola qui connait Galán depuis la guerre du Rif au Maroc espagnol. Le général lui écrit pour le prévenir des risques encourus en cas de passage à l’acte.
Les ajournements successifs de la date prévue pour le soulèvement conduisent à une détérioration des relations entre Galán et le Comité révolutionnaire. Le capitaine perd patience et il craint le blocage des cols par les neiges de l’hiver. Il décide de passer à l’action le 12 décembre. Dans l’impossibilité de le forcer à reporter une nouvelle fois le soulèvement, le Comité décide d’envoyer des émissaires à Jaca. Ces derniers, arrivés sur les lieus le matin du 12, ne peuvent pas rencontrer Galán.
Le soulèvement
A l’aube du 12 décembre 1930, la garnison de Jaca prend la ville après avoir capturé les officiers opposés à l’opération. Le nouveau maire Pío Díaz Pradas proclame la République depuis la mairie. Galán publie un texte menaçant d’exécution sommaire quiconque s’opposerait à la République. Certains opposants sont enfermés dans la mairie. Pour la première fois le drapeau républicain tricolore flotte sur le balcon de l’édifice communal.
Une première colonne, dirigée par Galán, prend la route de Huesca alors que la seconde, sous les ordres de Sediles, prend le train.
La désorganisation, l’absence d’approvisionnement, l’imprévoyance pour rassembler le matériel de transport, le mauvais état des véhicules, les arrêts incessants des convois entraînent rapidement l’annihilation de la motivation de la troupe, sensible à la faim et au froid.
Le général Berenguer, informé par l’intermédiaire d’une employée du télégraphe, fait organiser la contre-offensive à partir de Saragosse et Husca.
Vers 23 h, Galán parvient à Ayerbe près de Huesca, où il proclame la République. Le lendemain, la colonne s’ébranle vers la capitale provinciale. A 3 km de Huesca, elle rencontre les gouvernementaux. Ces derniers tirent sur les soulevés. Les soldats de Galán, surpris, se dispersent de manière désordonnée, en proie à la panique.
Les conséquences
Galán, en compagnie de deux autres officiers, se constitue prisonnier auprès de la Garde Civile. Conduits à Huesca, ils sont immédiatement jugés par un conseil de guerre dans un procès sommaire. Galán assume la totale responsabilité et demande que les officiers l’ayant suivi soient relaxés. Le conseil condamne Galán et García Hernández à mort et ils sont fusillés quelques minutes après. C’est la perpétuité pour tous les autres acteurs.
Le Comité révolutionnaire se déclare commanditaire du soulèvement le 13. Ses membres sont arrêtés et incarcérés à Madrid. La grève initialement prévue à Madrid n’est pas déclenchée. La mort des deux capitaines entraîne un choc dans l’opinion publique espagnole. Cela ne sera pas sans conséquences pour ce régime lors des prochaines élections municipales convoquées pour le mois d’avril 1931.
Des héros
A l’avènement de la République, le 14 avril 1931, Galán et García sont considérés comme des héros nationaux. Leurs portraits, reproduits partout, deviennent des icônes du mouvement républicain et leurs noms sont utilisés pour composer des poèmes et des chants populaires.
“La primavera ha venido de brazos del capitán.
Niñas, cantad a corro: ¡Viva Fermín Galán!
La primavera ha venido y don Alfonso se va.
Muchos duques le acompañan
hasta cerca de la mar.”
« Le printemps est venu des bras du capitaine.
Les filles, chantez ensemble : vive Fermín Galán !
Le printemps est arrivé et Don Alfonso s’en va.
De nombreux ducs l’accompagnent
Jusque près de la mer. »
(Antonio Machado)
“La Virgen del Pilar dice
Que no le gusta la monarquía
Que quiere ser republicana
Como Galán y García”
« La Vierge du Pilar dit
Qu’elle n’aime pas la monarchie
Qu’elle veut être républicain
Comme Galán et García. »
(chanson populaire)
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12 de diciembre de 1930.Una efeméride olvidada – en espagnol ↑
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La Sanjuanada fut une conspiration pour renverser le gouvernement dictatorial espagnol dans la nuit du 24 juin 1926, c’est-à-dire durant la nuit de la Saint Jean, San juan en espagnol, d’où son nom. ↑
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Les anarchistes espagnols dans les conspirations contre la Dictature et la Monarchie (1923-1930) ↑
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Nueva Creación y el Fermín Galán político: discurso y mito libertario – en espagnol ↑
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La sublevación de Jaca Y Cuatro Vientos: diciembre de 1930 – en espagnol ↑