Ils ont eu ce courage

Le courage d’un lot-et-garonnais

Le Lot-et-Garonne a toujours été une terre de rencontres et de solidarités[1] et c’est en Lot-et-Garonne que se déroule l’histoire que nous raconte Lucien Pouzoulet. Une histoire familiale dans laquelle beaucoup se reconnaîtront.

Des valeurs essentielles qui engagent

Cette histoire c’est d’abord celle de son père Jean Pouzoulet né à Fumel en 1911. C’est celle d’une enfance sans amour et toujours à la peine. C’est celle d’un enfant sauvage qui trouve dans le monde du travail les valeurs de fraternité et de dignité. Elles déterminent la suite de son existence.

Le choix des Brigades Internationales

Avec la guerre d’Espagne, Jean organise l’acheminement des volontaires des Brigades Internationales[2][3] depuis la Bourse du Travail d’Agen. Puis il rejoint lui-même Albacete[4], siège des Brigades.

Il participe en février 1937 aux combats du Jarama dans le groupe d’artillerie franco-belge « Anna-Pauker ». Il est blessé une première fois lors de la défense de la ligne de chemin de fer Madrid – Valence au sud de Madrid. Sa brigade est ensuite engagée dans les combats de Teruel en décembre 1937. Elle prend part à la bataille de l’Ebre, à Amposta, à partir de juillet 1938. Au cours de cette dernière, Jean est à nouveau blessé[5].

Après la Despedida

Le défilé de la Despedida à Barcelone, le 28 octobre 1938, marque la fin des Brigades Internationales. Jean rejoint le Lot-et-Garonne d’où il organise désormais les actions de soutien à la République espagnole.

Des liens familiaux avec l’Espagne

C’est à cette occasion que Jean rencontre une réfugiée espagnole, Paulina Gonzalez Calvo. Alors le livre de Lucien Pouzoulet évoque l’histoire de sa famille maternelle. Une famille originaire de la province de Valladolid qui déménage au gré des mutations du père vers l’Aragon. Au moment du coup d’état des généraux félons, elle est à San Sébastian au Pays Basque

Comme beaucoup d’autres, la famille fuit l’avancée des troupes franquistes. Elle se retrouve d’abord à Bilbao puis dans la province de Santander. Là, la mère et les deux filles s’embarque pour la France. De Nantes, elles sont acheminées en train vers Agen. Logées à Bon Encontre, leur vie s’organise toujours à la recherche de nouvelles du père et du frère. Finalement, elles apprennent qu’ils n’ont pas pu s’enfuir d’Espagne.

D’une guerre à l’autre

Le mariage de Paulina et Jean précède de peu la déclaration de guerre. Ils vivent ensemble l’occupation et la résistance. Jean est démobilisé après l’armistice de 1940. Avec de nombreux autres syndicalistes et communistes, il est détenu au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe d’où il s’évade. Jean entre dans l’action clandestine. Il est incarcéré à maison d’arrêt d’Agen. La complicité d’un gardien lui permet de s’évader en compagnie d’autres résistants. Jean continue son action dans le maquis de Nay dans les Pyrénées puis il participe à la libération d’Oloron-Sainte-Marie.

Un ouvrage documenté chronologiquement

C’est l’histoire d’un homme épris d’humanité et de justice que nous raconte Lucien Pouzoulet. Il n’oublie pas de fournir au fil des pages de son livre les repères chronologiques et historiques. Ils permettent de mieux comprendre l’’enchaînement des événements.

Il évoque les siens avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, leurs peines et leurs joies. Ainsi, il rend hommage à travers ses parents à tous ceux qui ont eu le courage de dire non à l’injustice et à la barbarie.

Les mots de la conclusion seront pour lui :

« Écrire la vie de ses parents est une tâche très compliquée, s’approcher le plus possible de la vérité, ne rien trahir est illusoire, tout est vrai puisque j’ai vibré ainsi et tous les personnages ont pris forme dans ma tête… Tout est vrai même le peu que j’ai inventé mais qui reste très probable. Face aux injustices, demain des femmes et des hommes se lèveront sans calcul, ni plan, juste avec valeur et force pour changer le destin établi. Alors, partout, l’espoir deviendra réalité tant que l’Homme portera cette humanité, tant que l’Homme aura ce courage… »

Extrait du livre[6] – pages 97-100.

Lucien Pouzoulet dédicacera son livre lors de l’assemblée générale de MER 47 le 7 février 2021

“Ils ont eu ce courage” – Lucien Pouzoulet – Editions TSO

Pour vous procurer ce livre :

  • Auprès de l’auteur :

Prix de vente : 17 € plus frais de port.

Contact et commande: 06 21 41 78 32 – ilsonteucecourage@gmail.com

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    • Agen :
      • Martin Delbert où une séance de dédicace est prévue le 23 janvier 2021 de 15 heures à 18 heures
      • Le Travailleur du Sud-Ouest – 18 rue Jules Ferry.
    • Toulouse :
      • La Renaissance
      • Terra nova
      • L’Autre rive
    • Perpignan : Torcatis
    • Céret : Le Cheval dans l’Arbre
    • Prades : Le Libambulle
    • Béziers : Les Sources
    • Narbonne : Libellis
    • Nîmes : Diderot
    • Arles : Les Grandes Largeurs
  1. Les Républicains Espagnols en Lot-et-Garonne – 2- Solidarité
  2. Les Amis des Combattants en Espagne Républicaine
  3. Les conférences de MER 47 : Jean Paul Chantereau
  4. Exposition en ligne « André Marty et les Brigades internationales ». – en français si vos paramètres linguistiques sont corrects
  5. POUZOULET Jean, Georges, Louis – Le Maîtron
  6. Extrait de l’ouvrage autorisé par l’auteur : « Après quelques jours d’attente et de surveillance, l’offensive républicaine est déclenchée le 25 juillet 1938, entre Mequinenza et Fayon, d’une part, et entre Tortosa et Amposta, d’autre part. Avec le soutien de l’aviation et de l’artillerie, les républicains traversent le fleuve par de ponts flottants et avancent rapidement, repoussant les nationalistes. Ce sont attaques et contre-attaques, les combats font rage, les républicains tiennent ; pourtant l’approvisionnement est un problème.

    Puis la légion Condor détruit tous les ponts de l’Èbre ainsi que les barges flottantes, sans que les moscas et les chatos* répliquent.

    Un ingénieur de la compagnie hydraulique collabora avec les nationalistes, ainsi sont ouvertes les vannes des barrages en amont des combats, provoquant une crue du fleuve qui emporta hommes, chevaux, munitions, barques et même les camions.

    Les républicains seront coupés de leur base, les renforts ne pourront plus passer, les avions fascistes bombardaient les villes réduites en cendres. Le pont de Tortosa fut détruit, se replier est impossible. Ernest Hemingway présent décrivit l’horreur :

    « Les bombardements sont incessants, les mitrailleuses sont en action, le bruit est effroyable, l’artillerie tire sans arrêt ».

    Plus de deux cents pièces côté nationaliste contre quelques-unes chez les légalistes. Une fois de plus la différence d’armement entre les camps était évidente. Ce fut alors une bataille de position.

    Début août, les nationalistes commandés par le général Yagüe (le boucher de Badajoz) contre-attaquèrent.

    La quatorzième brigade avait subi des pertes terribles.

    À Amposta, Jean et ses jeunes tentèrent de se replier sous les balles ennemies, plus question pour ces soldats à peine sortis de l’adolescence de savoir se battre, ils courent, ils détalent, ils sont terrorisés, ils ont peur. Celui qui n’a pas peur, ment.

    Ils atteignent le fleuve, la nuit tombe, les balles sifflent de tous côtés, ils sont hachés par la mitraille. Il n’y avait plus de barges pour traverser, ils se jettent à l’eau, le fleuve est large à cet endroit. Beaucoup ne savent pas nager, se noient. Jean encourage, mais c’est « sauf qui peut ».

    Les balles font ploc ploc dans l’eau, comme une grêle en début d’orage, de plus en plus serrée. Comment ne pas mourir ou être blessé.

    Jean fait des coulées les plus longues possible, ressort la tête juste le temps d’un souffle, replonge et avance. Des cadavres partout, des blessés, le fleuve rosit du sang de ces soldats, un carnage.

    Deux mètres devant eux, en rafale, une haie d’éclaboussures éclate. Une mitrailleuse, pense Jean, il va rectifier son tir, on est foutu, c’est fini… Tandis que tout autour, les balles des fusils sifflent et soulève toujours des cratères dans l’eau, devant, à droite, à gauche, rapprochés. Que fait-il avec sa mitrailleuse, il change le ruban ? Oui, c’est ça, il change le ruban. Le temps était long.

    – Restez le plus longtemps sous l’eau, dit-il aux deux jeunes qui étaient avec lui. Encore un effort, quinze mètres et c’est la rive. La mitrailleuse s’est enrayée ? Non, il va tirer. Avance, avance, encore, encore un peu de chance, un peu, encore la vie, encore. Enfin, la berge atteinte, ils s’entraidèrent.

    – Vite à l’abri ! ordonne Jean. Ils peuvent toujours nous atteindre. Ils se regardent, vivants, heureux.

    – Juan estas herido ? (Jean, tu es blessé ?)

    Sa chemise est plaquée, rouge. Il ne ressentait rien, pourtant touché au poumon gauche, il perd beaucoup de sang.

    Évacué à l’arrière pour être soigné, il reprendra son poste quelques jours plus tard.

    L’armée républicaine s’était repliée sur ses positions de départ. Après quatre mois de combat, elle était décimée, plus de dix mille morts, trente-cinq mille blessés et vingt mille prisonniers qu’il fallait sans doute ajouter aux morts du champ de bataille. La quatorzième brigade était pratiquement anéantie.

    « Leurs chants sont plus beaux que les hommes,

    Plus lourds d’espoir,

    Plus triste et plus longue est leur vie.

    Nâzim Hikmet

    Au pire de la tragédie, le camp républicain a toujours chanté, parfois changer les paroles des chansons sur des airs connus. Le romantisme qui donne un sens à l’engagement et la lutte menée, parle au cœur, le meilleur des remèdes qui colorent les souvenirs.

    Si me quieres escribir
    Si me quieres escribir
    Ya sabes mi paradero
    Tercera brigada mixta
    Primera línea de fuego
    Anque me tiren el puente
    Y tanbién la pasarela
    Me verás passar el Ebro
    En un barquito de vela
    En el Ebro se han hundido
    Las banderas Italianas
    Y en los puentes solo ondean
    Las que son republicanas
    Si me quieres escribir…

    (Si tu veux m’écrire, Tu connais mon adresse, Troisième brigade mixte, Première ligne de feu, bien qu’ils détruisent le pont, Et aussi les passerelles, Tu me verras traverser l’Èbre, Sur un bateau à voile, Dans l’Èbre sont coulés, Les drapeaux italiens, Et sur les ponts, Seuls flottent les républicains, Si tu veux m’écrire…)

    Jean chante aussi.

    Nous avons tant lutté, souffert, pense-t-il. Encore aujourd’hui, dans cette bataille décisive de l’Èbre, tenir, rester vivant, mais alors qu’allons-nous manger ce soir ?

    Depuis le mois de juillet, la canicule, le bruit assourdissant des canons, des bombardements et les moustiques, putain les moustiques ! À se gratter partout au sang, la tête boursouflée, à s’en mordre les bras.

    Maintenant l’hiver arrive, d’octobre à novembre, le froid, les engelures, le mal aux pieds, une seule couverture pour souvent ne pas dormir. Repliés, nous sommes repliés, qu’allons-nous manger ce soir ? Chaud ? Peut-être pas.

    Les hommes souffraient tous. Ils chantaient pour se tenir debout et se gonfler le cœur. Le soir arrivant, tenter de dormir, oublier sa journée, le chaud ou le froid, la faim ou la soif, le tonnerre des canons qui bourdonnent encore aux oreilles, la peur.

    Quand, les yeux fermés, au moment où la pensée se cogne aux barreaux de la conscience, ils se laissaient porter, ils étaient loin, très loin au fond d’eux, alors ils pensaient à ce port d’attache où ils arrimeraient leurs espoirs.

    Demain j’aurais une lettre, une mère, un frère ou une sœur, un père ou un amour peut-être.

    – ¿Pero quien podría escribirme ? (Mais moi, qui pourrait m’écrire ?) souffla Jean tout bas, pour lui-même. »

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