Après les élection du 23 juillet : quel avenir pour la mémoire démocratique ?

Il y a un mois, les Espagnols choisissaient de remplir leur devoir électoral, malgré les vacances estivales, et de faire mentir les sondages qui prévoyaient un succès immédiat du Parti Populaire soutenu par le parti d’extrême droite, Vox. Cette semaine, le bourbon Felipe IV propose au patron du PP, Alberto Nuñez Feijóo, de former un gouvernement. A cette occasion, le président de MER47, Alain Miranda, nous propose une analyse, à paraître dons notre prochain bulletin, autour des enjeux concernant la Loi de Mémoire Démocratique. Il met à profit cet article pour évoquer les prochaines rencontres transfrontalières qui vont avoir lieu en Lot-et-Garonne.

Un pueblo que olvida su pasado está condenado a repetirlo

A la veille des élections aux Cortes espagnoles disparaissait Jean Ortiz,  un ami de MER 47, un grand combattant pour la Mémoire et la Justice. Ces premiers mots seront pour lui.

Jean était venu souvent en Lot-et-Garonne participer à nos colloques, animer des débats aux quatre coins du département autour des documentaires coréalisés avec son inséparable complice Dominique Gautier. Sa verve, son enthousiasme, son humour et ses convictions affirmées réjouissaient un auditoire fidèle et nombreux. Il nous rappelait toujours que « la única lucha que se pierde es la que se abandona ».

Les élections du 23J nous en ont encore une fois fait la démonstration. Beaucoup prévoyaient que le rouleau compresseur de l’extrême droite, alliée au néo libéralisme de ceux qui ont toujours préféré Hitler et Franco au Front Populaire, continuerait d’écraser l’espoir et les libertés en Espagne. Et pourtant l’extrême droite de Vox a enregistré un recul important en sièges et en voix, à contre-courant des résultats électoraux enregistrés par ses homologues dans le reste de l’Europe.

Pour nous, associations mémorielles de France et d’Espagne, c’est un début de soulagement et un encouragement dans notre action. Les élections locales et régionales du 28 mai 2023 en Espagne, par les alliances contre nature voulues par le Parti Populaire, avaient en effet conduit au triomphe, dans de nombreuses municipalités et communautés autonomes, de formations politiques qui s’opposent à la Mémoire Démocratique et proclament leur intention d’abroger les lois édictées en ce domaine tant par l’État que par de nombreuses régions.

Les premières mesures prises par les nouvelles majorités P.P / VOX en Pays Valencien, Estrémadure et Baléares ou dans les municipalités qu’ils contrôlent sont d’ailleurs éloquentes : abrogation des dispositifs existant en matière de violences sexistes et machistes, instauration de la censure en matière de culture et bien sûr entrave à toutes les mesures éducatives ou de réparation prévues par les lois de mémoire historique et démocratique.

Et pourtant, ainsi que le rappelait le 3 juin dernier le collectif d’organisation des XIIème Rencontres Transfrontalières des associations de Mémoire, « la Mémoire démocratique, en tant que conscience sociale, n’est le patrimoine d’aucune idéologie. Elle transcende les limites partisanes en devenant une valeur commune et collective de l’ensemble du corps social. Elle permet le fonctionnement de ses institutions et assure l’engagement citoyen et son attachement aux valeurs démocratiques ».

Si le Parti Populaire, lorsqu’il était au pouvoir, a empêché l’application de la loi de Mémoire du 26 décembre 2007 en la privant de tout budget, il n’en a pas été toujours ainsi.

Alors que José Maria Aznar était chef d’un gouvernement conservateur les Cortes ont rendu hommage le 7 novembre 1996 aux Brigadistes Internationaux venus défendre la République pour ensuite, le 20 novembre 2002, condamner, à l’unanimité, le franquisme.

C’est en effet un acte élémentaire d’humanité et de justice que d’aider les familles de disparus à retrouver ceux qui ont été enfouis en la cuneta afin de leur donner une sépulture décente.

C’est un droit naturel pour tout enfant volé que de connaître sa filiation et de renouer avec sa famille d’origine.

Permettre aux jeunes générations espagnoles de connaitre l’histoire de leur pays dans toutes ses facettes est la garantie que les crimes commis dans le passé ne seront pas réédités. « Españolito que vienes al mundo te guarde Dios. Una de las dos Españas ha de helarte el corazón » disait Machado.

Connaitre les crimes et les atteintes aux libertés mais aussi savoir les résistances, les combats, l’exil d‘une part de l’Espagne.

Dans ces domaines le rôle et la responsabilité des associations mémorielles, en France et en Espagne, est et sera irremplaçable.

Car une transition pactée a fait que victimes et familles de victimes n’ont jamais eu ce droit élémentaire, Justicia Verdad y Reparación, et qu’une société a été, pendant plusieurs générations, tenue dans l’ignorance de son histoire.

Tout cela sera au cœur des douzièmes Rencontres Transfrontalières de la Mémoire historique, démocratique et antifasciste réunissant associations françaises et espagnoles qui se dérouleront les 29, 30 septembre et 1er octobre prochain en Lot et Garonne.

Nous en présentons l’historique et le contenu dans les prochaines publications de notre blog,. Nul doute que leurs travaux, en prise sur la réalité, seront l’occasion d’échanges fructueux et permettront de définir des pistes d’action pour que vivent la Mémoire et l’Espoir d’une démocratie réelle prenant en compte la réalité plurielle et diverse de l’Espagne.

¡Democracia real ya!

Alain Miranda

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