Marina Ginestà, icône de la résistance
Marina Ginestà, icône de la résistance républicaine espagnole, a 17 ans lorsqu’elle pose sur les terrasses de l’hôtel Colón à Barcelone devant l’objectif du photographe Juan Guzman. Sylvie Claudine Guingan propose un poème en son honneur.
Poème de Sylvie Claudine Guingan
«C’est une incroyable photo, cette jeune fille souriant timidement armée d’une mitraillette dans le dos, ça nous remue les tripes
On nous dit qu’elle a 17 ans, elle pose fièrement sur un toit de Barcelone pendant la guerre d’Espagne en 1936
Union et actions avec les Républicains Espagnols, c’est pour ça qu’elle est là, cette fraîche militante, française née à Toulouse
Regretter son passé très proche d’enfant aimée, cette pensée ne doit plus l’effleurer
Abattre le plus possible de ces maudits traîtres franquistes c’est ça qu’elle tourne inlassablement dans sa tête, son ventre, son cœur palpitant
Guérir plus tard de tous ses maux cette valeureuse Patrie amie c’est son idéal d’avenir, si la muerte la repousse au petit matin
Elle en a les sangs tournés, mais même le photographe ami Juan ne verra rien parce qu’elle a tout au fond d’elle, ce que l’on nomme un sacré COURAGE
PS : Tu t’appelais Marina Ginestà, toi si fière milicienne pour un juste combat, la mort t’a emportée à 94 ans, tu as pu être tout le temps de ta longue vie un fabuleux témoin pour le peuple espagnol. Je prends ton souvenir sur mon cœur comme mon enfant, ma fille, ma petite fille
Para Siempre
PARA SIEMPRE»
Histoire de la photo
Sur la photo à la Une, c’est encore une adolescente, vêtue en milicienne, une arme à l’épaule, cheveux au vent, qui nous captive grâce à un regard laissant à penser que rien ne peut entraver la marche du peuple vers des jours meilleurs. Mais l’histoire est différente. En ce 21 juillet 1936, au moment où des militaires prennent le parti d’écraser cet espoir, au nom d’une idéologie génocidaire, le photographe allemand Hans Gutman, alias Juan Guzman, met en scène cette photo avec, sans doute, l’idée que la jeunesse possède les clés du succès de cette Révolution. Il fera partie des futures Brigades Internationales.
Quant à la vraie histoire de Marina Ginestà, vous pouvez la découvrir en cliquant sur le lien ci-dessous. Il s’agit d’un article du journal Público publié le 10 mai 2008, suite à une entrevue réalisée à Paris, et qui relate l’histoire de cette photo de la bouche même de Marina Ginestà :
https://www.publico.es/actualidad/marina-ginesta-memoria-viva-imagen.html
Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers de la langue de Miguel Hernandez ou de Antonio Machado, Voici la traduction :
C’était une bonne photo
« Marina Ginestà avait 17 ans, une carte des Jeunesses Socialistes en poche et le rêve d’une révolution quand, à l’été 1936, elle posa fièrement et avec défi sur la terrasse de l’hôtel Colón de Barcelone pour le photographe Juan Guzmán qui prit une photo devenue le symbole et l’icône de la Résistance.
Vêtue d’un uniforme de milicienne, les cheveux au vent, armée d’un fusil qu’elle porta pour la première et la dernière fois de sa vie, la jeune républicaine sert de premier plan à une vue impressionnante de Barcelone.
« C’est une bonne photo, elle reflète le sentiment que nous avions à l’époque. Le socialisme était arrivé, les clients de l’hôtel étaient partis. Il y avait de l’euphorie. Nous nous sommes installés au Colón, nous avons bien mangé, comme si la vie bourgeoise nous appartenait et que nous avions changé de classe rapidement « , explique Ginestà dans un entretien avec l’agence Efe à son domicile parisien.
La guerre venait d’éclater et l’hôtel, autrefois symbole de la bourgeoisie catalane, avait été converti en siège des Jeunesses Socialistes Unifiées nouvellement créées.
Avant le début de la guerre, Marina Ginestà et de nombreux autres idéalistes préparaient l’Olympiade Populaire en réponse aux Jeux Olympiques organisés par l’Allemagne nazie la même année.
« Nous étions si naïfs que nous pensions que le soulèvement militaire (du 18 juillet) était dirigé contre l’Olympiade Populaire », raconte la femme qui, à 89 ans, se souvient avec un doux accent catalan de ces années qui ont marqué sa vie. »
Retour à la réalité
« Il a fallu plusieurs jours à ces jeunes pour comprendre qu’ils faisaient face à une guerre sanglante qui mettrait fin à leurs rêves.
D’abord traductrice pour l’envoyé spécial du journal soviétique « Pravda » Mikhaïl Koltsov, puis journaliste pour divers médias républicains, Marina Ginestà a vécu la guerre dans une arrière-garde militante en s’efforçant de garder au plus haut l’esprit de combat de son camp.
« Nous étions journalistes et avions comme but d’empêcher tout prix la chute du moral, nous répandions la devise de Juan Negrín » avec du pain ou sans pain, résister « , et nous le croyions », affirme-t-elle, maintenant convaincue que ce qu’elle contribuait à publier était falsifié pour garder vivante l’illusion de la victoire.
En compagnie de Koltsov, elle a assisté à l’entretien que le journaliste soviétique avait eu, en août 36, avec Buenaventura Durruti dans la ville de Bujalaroz. Une conversation politique de haut niveau qui selon Marina Ginestà a coûté la vie aux deux protagonistes parce que Staline les faisait espionner et n’aurait pas apprécié ce qui avait été dit.
De son travail à l’arrière, elle conserve des souvenirs difficiles, comme une visite à l’hôpital de Barcelone pour identifier des corps.
« C’est le souvenir le plus terrible que je garde de la guerre. Pour la première fois, j’ai eu une idée de la mort. J’ai vu une femme morte avec son fils dans les bras … Ce souvenir me vient encore à l’esprit aujourd’hui », avoue-t-elle. »
L’exil
« Mais les moments les plus difficiles surviennent quand elle doit quitter l’Espagne pour s’exiler en France, son pays natal.
Au cours de la traversée des Pyrénées, elle a perdu son fiancé, commissaire politique, quelques jours avant de retrouver ses parents. L’arrivée des nazis les a obligés à prendre un navire à destination de l’Amérique.
Le navire, qui se dirigeait vers le Mexique de Lázaro Cárdenas où ils étaient attendus à bras ouverts, s’est détourné vers la République Dominicaine pour gagner du temps. Marina Ginestà est aussi passée par le Venezuela.
Ce n’est qu’alors qu’elle sentit que la guerre était perdue.
« Les jeunes, l’envie de gagner, les slogans … Je les ai pris au sérieux. Je croyais que si nous résistions, nous gagnerions. Nous avions le sentiment que la raison était avec nous et que nous finirions par gagner la guerre, nous n’avons jamais pensé que nous finirions notre vie à l’étranger « , se souvient-elle.
La déception de la défaite, le souvenir « des camarades qui ont resté là-bas, beaucoup d’entre eux fusillés », se sont alors mélangés au rêve que les démocraties européennes vaincraient le fascisme lors de la guerre mondiale.
« Nous espérions qu’ils gagneraient la guerre, qu’en Espagne, la République reviendrait et que Franco serait fusillé », dit-elle.
Marina Ginestà ne connaissait pas la photo de l’hôtel Colón, ni le symbolisme que celle-ci a acquis au fil du temps.
L’instantané se trouve dans les archives de l’agence de presse espagnole Efe et un documentaliste a récemment réussi à découvrir l’identité du modèle et à localiser son adresse.
Marina Ginestà considère que l’image est quelque peu artificielle et en préfère d’autres, comme celle des retrouvailles avec son frère Albert sur le front de l’Èbre, qu’elle ne cesse de montrer avec fierté.
« Ils disent que sur la photo de l’hôtel Colón j’ai un regard captivant. C’est possible, car nous avons vécu avec la mystique de la révolution du prolétariat et les images d’Hollywood, de Greta Garbo et Gary Cooper », affirme-t-elle. »
Biographie
Marina Ginestà est née à Toulouse en 1919, de parents espagnols dont les ascendants étaient déjà engagés dans la lutte sociale et ce de longue date. Elle et sa famille s’établissent à Barcelone en 1930. En 1936, le parti communiste espagnol la place comme interprète auprès du journaliste soviétique Koltsov. Leur langue de travail est le français. Blessée pendant la Retirada, elle est soignée à l’hôpital de Montpelier avant de partir pour l’Amérique Latine. Elle meurt à Paris en janvier 2014, à l’âge de 94 ans.
Liens externes :
Marina Ginestà: una foto para el recuerdo – video RTVE
Crónica de revolucionaria que hizo historia en guerra civil española
La literatura comprometida de Marina Ginestà: el movimiento libertario en Catalunya